Souriez, vous êtes filmés

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Souriez, vous êtes filmés

par Véronique

Vous rappelez-vous des débats autour de la constitution du fichier TES (Titres Électroniques Sécurisés) créé par décret du 30 avril 2008 (1) ?

Adopté définitivement par le Parlement, le 6 mars 2012, et généralisé à l’ensemble du territoire métropolitain par arrêté du 9 février 2017 (2), ce fichier regroupe les données d’état-civil et les données biométriques de tous les français âgés de plus de 12 ans*.

Or, en 2016, le Conseil National du Numérique (CNNum), après consultation d’experts et consultation publique s’était interrogé « sur la nécessité de stocker de manière centralisée des informations aussi sensibles… Au contraire, des risques considérables d’abus, de vol ou de détournement de finalité peuvent directement découler de la création de ce fichier. Un travail d’anticipation détaillé reste dans tous les cas à conduire : la base TES a été créée pour les passeports il y a plus de 8 ans. Son élargissement aux cartes d’identité mériterait une remise à plat pour tenir compte des nouveaux principes européens de protection de la vie privée, ainsi que des nouveaux standards technologiques de sécurisation des données biométriques. »

Le CNNum avait terminé sa 2ème recommandation en appelant « le gouvernement à encourager la recherche publique sur les sujets de l’identité numérique — encore peu soutenue en France — de la biométrie et des moyens de sa sécurisation ».

Le gouvernement, s’est emparé de cette dernière recommandation, puisqu’une convention a été signée le 30 mai 2018 entre le CNRS et la Direction du Renseignement Militaire (DRM). On peut lire sur le site du CNRS que « Les recherches sur la reconnaissance automatique d’image intéressent particulièrement le renseignement militaire » (3). Pour le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, « L’intelligence artificielle doit permettre, par exemple, de repérer dans la foule des individus au comportement bizarre » (4).

Bizarre, vous avez dit bizarre ?

Mais qu’est-ce qui est bizarre au pays des Droits de l’Homme et du Citoyen ?

Ce qui me paraît plus bizarre, c’est la création par l’État d’ institutions de contrôle et de conseil telles l’ANSSI**, la DINSIC*** ou la CNIL et la prise compte aléatoire et modérée de leurs avis ! Ainsi la CNIL s’oppose à l’utilisation systématique de la reconnaissance faciale (excepté dans les aéroports et certaines gares), mettant en garde contre le profilage « à la volée de l’ensemble de la population », et contre une surveillance omniprésente qui porterait atteinte à « la liberté d’aller et venir anonymement ».

La loi précise que « L’installation de caméras de vidéoprotection et de vidéosurveillance doit avoir pour finalité la sécurité des biens et des personnes lorsque ces lieux sont particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol, à titre dissuasif ou pour permettre l’identification des auteurs de vols, de dégradations ou d’agressions. Les dispositifs dits de « vidéoprotection » filment la voie publique et les lieux ouverts au public  ».

Mais La France a peur ! Il faut rassurer les Français.

Avec la mise en place du Règlement Européen sur la protection des données personnelles (RGPD) depuis le 25 mai dernier, les maires de France ont eu droit à un rappel de la CNIL concernant la vidéoprotection, c’est-à-dire, les dispositifs qui filment la voie publique et les lieux ouverts au public, dispositifs soumis à une autorisation préalable délivrée par l’autorité préfectorale géographiquement compétente. Celle-ci permet de vérifier la pertinence de l’installation du système dans la zone géographique ciblée (5).

Autre aspect incontournable : l’économie. Nos entreprises françaises ont besoin de travailler comme OT-Morpho (3 milliards de chiffre d’affaire), Thales (détenu à 25,8% par l’État et 24,7% par Dassault)…

Et pendant que le ministère de l’Intérieur se constitue un trombinoscope, les adeptes de Facebook taguent les photos du nom de leurs amis et alimentent innocemment les bases de données, grâce à la technologie de vérification faciale comme avec DeepFace, capable de déterminer si deux photos contiennent le même visage avec un taux de réussite de 97,25 %.

Pourtant, certains se méfient, comme les chercheurs de l’université de Carnegie Mellon qui ont réalisé des tests sur des lunettes anti-reconnaissance faciale en 3D. Les résultats, dévoilés lors d’une conférence sur la sécurité informatique, sont probants avec un taux de réussite de 94%. Les logiciels de reconnaissance faciale sont déroutés par les motifs de type « Batik » qui décorent ces lunettes.

Mais pour les porter, il faut être parano et n’avoir pas peur du ridicule !

Pour information : il est désormais possible de refuser explicitement la numérisation de ses empreintes digitales au dépôt de la demande. Par contre, elles seront toujours bien collectées et intégrées au dossier de demande.

* Le texte a été adopté par 285 voix pour, celles de l’UMP et du Nouveau Centre, qui défendent un mécanisme « efficace et pragmatique », et 173 voix contre, celles de la gauche, qui dénonce une atteinte aux libertés. »

** Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information

*** DINSIC : Direction Interministérielle du Numérique et du Système d’Information et de Communication de l’État

Sources :

1. tes.cnnumerique.fr : http://bit.ly/2sZ31WK

2. Arrêté du 9 février 2017 portant application du décret n° 2016-1460 : http://bit.ly/2JFVeHJ

3. Source : CNRS 1er juin http://bit.ly/2t0wNdD

4. Gérard Collomb dans son bilan « d’un an de maintien de l’ordre », le 8 juin 2018 : http://bit.ly/2JCq6sF

5. Courrier des maires : http://bit.ly/2t0a2Xb

6. Résultats de l’Université de Carnegie Mellon : http://bit.ly/2sYbTvx

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