Témoignage :
Au début de l’hiver, l’an dernier, je suis allée à Gourdon à une réunion du collectif de soutien aux migrants. Beaucoup de monde. Des gens de bonne volonté, prêts à aider. Certains viennent de loin, du département voisin, la Dordogne. Au fond, une rangée de jeunes demandeurs d’asile, ne parlant pas français pour la plupart. Sophie fait la traduction en anglais, langue que la plupart pratiquent un peu. Nous nous présentons pour dire ce que chacun peut faire. Quand arrive mon tour, je propose d’emmener dans ma voiture, ceux que cela intéresse, au Jardin Bourian de Dégagnac, où je suis bénévole et où, tous les jeudis, nous nous retrouvons avec notre jardinier « en chef » Adrien, et Aurélia, Floriane ou Christine, les animatrices.
Aussitôt l’un d’eux se lève et dit qu’il est intéressé par le jardinage, c’est Samir. Deux autres vont se joindre à lui : Jawed et Sabur, puis d’autres, occasionnellement.
C’est ainsi que chaque jeudi je vais les chercher au CADA de Gourdon. Et, petit à petit, va s’installer une confiance réciproque voire une complicité : d’autant plus que je leur donne maintenant des cours le mardi, en français langue étrangère. Je suis aidée par d’autres bénévoles dans le cadre de la PEP. C’est ainsi que je peux constater leurs progrès. Leur vocabulaire s’enrichit et nous pouvons mieux communiquer.
Spontanément une grande complicité s’est installée entre notre « jardinier » Adrien et ces jeunes.
Ils aiment rendre service, ils sont adroits (certains ayant déjà exercé plusieurs métiers dans leur pays) et vont plus vite que nous, tant leur habileté est grande. Tout en travaillant, Adrien apprend et note quelques mots de dari, d’ouzbek, ou de pachtoune ! Avec quelques amis musiciens il a organisé à Gindou deux soirées de concerts solidaires, où les musiciens ont joué bénévolement afin de leur venir en aide financièrement. Les Afghans, de leur côté, ont apporté du pain de leur fabrication qui a été très apprécié. Le dimanche, en fin de soirée, ils ont pris le micro pour chanter de la musique afghane et accompagner les danseurs. Quelle belle soirée!
Quand ils sont invités par des familles ayant de jeunes enfants, ils se font à chaque occasion de nouveaux amis. Ils adorent porter les bébés, les câliner et jouer avec eux. Il ne faut pas oublier que la plupart d’entre eux ont été obligés de quitter leur famille, qu’ils ont rarement l’occasion d’entendre, car téléphoner chez eux coûte très cher. Ils n’en ont pas les moyens.
Pourquoi je continue et je continuerai cet accompagnement ? Parce que je voudrais faire tomber les préjugés, les blocages, les fausses informations véhiculées par certains, comme « l’état leur donne beaucoup d’argent ! », eh bien c’est archi-faux, ils ont tout juste de quoi se nourrir chaque mois, et encore…
Au Jardin Bourian, quand se déroulent les repas partagés où se retrouvent les bénévoles après avoir travaillé dans le jardin, les gens qui ne connaissent pas encore nos nouveaux amis sont souvent étonnés de découvrir ces jeunes, ouverts et souriants, malgré tous les malheurs qu’ils ont vécus… Qu’il s’agisse de l’Afghanistan, du Soudan, de la Guinée, de l’Érythrée, de la Somalie, de l’Arménie, de l’Albanie… Que connaissons-nous de ces pays ? En dehors des images de violence et de guerre qui passent en boucle à la télévision ?
Claudine Hébrard