Le PIB c’est stupéfiant !!
Billet par Mag
Il y a plusieurs mois, entendant parler de la prise en compte de l’activité liée au trafic de drogues[1] dans le calcul du PIB (Produit Intérieur Brut) français, j’ai voulu en savoir plus.
Ma première réaction a été de me dire que quand même « ils » ne manquaient pas de toupet. Dans une société du « m’as-tu vu », de plus en plus élitiste, où il est bon d’être « in and clean », costard chemise avec ou sans cravate, le décalage me paraissait énorme et un rien cinglant.
D’un point de vue moral je trouvais cela limite, surtout avec la question du business de la prostitution pas loin derrière ? D’où sortait cette idée ? Et comment allaient-ils évaluer cela ?
N’étant pas une économiste experte, il m’a fallu repartir de la base : qui calcule le PIB et comment ?
A mon idée, partant de tous les indicateurs économiques (production de bien et de services, spéculation boursière, marché financier, investissement, marché du travail et autres) les grands comptables de l’état calculent le chiffre représentant la « santé financière » du pays, le fameux PIB, l’orgueil ou le déshonneur national, l’indicateur ultime, le thermomètre infaillible.
De là, présenté à tous, en premier lieu aux citoyens français et à l’Europe, le PIB permet de justifier, pardon de décider, de la politique du pays, et de sa participation à la politique européenne. Car les chiffres ne trompent pas, l’économie c’est la base, le nerf de la guerre.
Tout d’abord j’ai appris que c’est l’INSEE (Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques) qui fait ce boulot.
J’ai donc longuement épluché leur site, et compris qu’évidemment c’est l’Europe via Eurostat, l’office européen des statistiques, qui donne ses directives et recommandations. Pour le précieux calcul, il est demandé une prise en compte de toutes les transactions, issues d’un « accord mutuel des parties impliquées ».
Je comprends alors qu’en 2013, l’idée de l’Europe, d’intégrer le trafic de drogue ou la prostitution dans les estimations des instituts, vient de l’envie de coller au plus juste à la réalité de l’ensemble des productions et des flux de richesses dans les pays de son giron.
Pourtant, sur ces questions, il existe un écart entre les pays membres, en raison des diversités de politique en matière de stupéfiants ou mœurs, puisque sur le continent, les modalités vont de la légalité et la gestion courante, à la prohibition pure. Forcément, les paramètres n’étant pas les mêmes, les influences sur les résultats non plus. Ainsi au Royaume-uni la part du marché des drogues et de la prostitution avoisine les 0,5 % du PIB en 2013, pour 0,83 % en Espagne en 2010.[2]
Prude France ?
En France, malgré la demande de l’Europe d’harmoniser les données relatives aux stupéfiants, l’INSEE refuse d’inclure ces chiffres pour le calcul du PIB posant la question du degré de consentement des consommateurs de drogue.
Pourtant, depuis 2014 elle les intègre au calcul du RNB (Revenu National Brut, représentant les revenus des activités des personnes résidant en France).
Pour se faire, elle s’appuie notamment sur le travail de l’OFDT (l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies) et de l’INHESJ (Institut National des Hautes Etudes sur la Sécurité et la Justice. Il en ressort le décompte de 20 000 emplois et une activité économique autour de 2,5 milliards, issus du commerce du cannabis, de la cocaïne et de l’héroïne, les autres produits ayant, semble-t-il, une part moindre.
Depuis mai dernier, afin de rentrer dans les clous européens, ce chiffre est donc pris en compte pour le PIB, représentant 0,1% de celui-ci.
Concernant la prostitution l’INSEE refuse pour le moment de prendre ses chiffres en compte, se fondant sur les études qui tendent à démontrer qu’en France, cette activité concerne principalement des mineurs, et des personnes en situation irrégulière, prises dans des réseaux de trafics humains, donc incompatibles avec la règle précitée du consentement.
Ses recherches, m’ont permis de prendre conscience, dans tous ces calculs, de l’importance du mot estimation.
Je réalise que s’il y a des bases tangibles, le PIB est calculé sur des déclarations et des estimations liées notamment à toute l’économie non déclarée et l’économie parallèle. Le PIB ne serait en fait pas une base si sûre.
Craignant de tomber dans l’interprétation, et la paranoïa, je me renseigne auprès d’une professeur en science économiques et sociales.
Cette dernière me rassure, je ne vire pas à la folie. La règle est bien de baser toute une politique économique et sociale sur les chiffres que l’on possède, dont des estimations, presque à la plouf. « C’est bien connu, les chiffres on leur fait dire ce que l’on veut ».
Je repense à ma première réaction sur la morale et en ris. Car il est vrai qu’en France question marché nous ne sommes quand même pas mal placés avec nos ventes d’armes, certes consenties.
Maintenant, là où ça me chatouille ce serait plus ce flou artistique admirablement travaillé. Petite balade dans la foutaise économique, où, en fait, le commun des mortels ne sait rien.
Les sacro-saint chiffres s’affichent, et je me dis que quand même, le PIB c’est stupéfiant.